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Discours de l’orphelin de la Famine Thomas Quinn, lors du « Premier Congrès de la langue française au Canada » (1912).

« Messieurs,

C'était en 1847. Une famine plus terrible que celle qui l'avait précédée menaçait le peuple irlandais d'une extermination complète. Le spectacle le plus étonnant n'était pas de voir mourir les gens, mais de les voir vivre, tant la détresse était grande.

Dans le cours de trois années, plus de quatre millions de ces malheureux, échappés miraculeusement à la mort, prirent le chemin de l'exil. Spectres ambulants, ils s'en allèrent, en pleurant, demander l'hospitalité à des pays plus fortunés.

La Providence voulut que nous fussions jetés, après une navigation de deux mois, sur les côtes de Grosse-Île.

Une maladie que la science n'a constatée nulle part ailleurs, la fièvre de la Famine, vint ajouter ses affres terribles à tant d'autres douleurs.

Le Canada, cependant, avait vu venir ces malheureux, et les reconnurent pour des frères. Émus de compassion, des prêtres canadiens-français, bravant l'épidémie, se disputèrent la gloire d'aller leur porter secours.

Clergé canadien-français, sois éternellement béni de ton héroïsme ! Vous surtout, qui êtes tombés victimes de votre dévouement, glorieux martyrs de la charité, jouissez dans la gloire de la récompense justement méritée !

Grâce à votre inlassable charité, mes infortunés parents ont pu s'endormir de leur dernier sommeil, en paix avec Dieu, pardonnant à leurs ennemis et emportant l'ineffable consolation de laisser leurs enfants sous la garde du prêtre canadien-français.

Il m'en souvient encore, l'un de ces admirables ecclésiastiques nous conduisit au chevet de mon père mourant. En nous apercevant, ce dernier, d'une voix défaillante, nous redit le vieil adage irlandais : Remember your soul and your liberty. Souvenez-vous de votre âme et de votre liberté…

Soixante-six ans ont passé depuis, mais mon âme a gardé au peuple canadien-français la reconnaissance, et mon esprit est demeuré jaloux de ses droits et de ses libertés. »