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Brenda Sissons louange la résilience de son ancêtre, l’orpheline de la Famine irlandaise Margaret Conlon (aussi parfois épelé Conlan) qui a été emmenée de la Station de la quarantaine de Grosse-Île jusqu’à Montréal, pour ensuite être adoptée par son oncle à Toronto.

Prise de vue intérieure. Plan de vue rapproché de la copie d’une lettre, écrite à l’encre noire sur du papier jauni. Le texte dit : « Bateau Achilles. Mon cher frère, je vous écris avec le cœur lourd, moi, veuve de trois jeunes enfants et qui donnera naissance à un autre orphelin, avant même que vous ne receviez cette lettre. Je ne sais pas comment vous relater mon histoire si mélancolique. Le 1 er mai vers 10h, mon cher John se tenait à l’avant du bateau quand une vague l’a emporté, laissant mes enfants sans père. Tous les efforts ont été faits, mais rien qui vaille. Il est allé rejoindre Dieu. »

Caméra balayant vers l’arrière, filmant une femme aux courts cheveux gris, assise, et vêtue d’un chandail vert, portant des boucles d’oreilles argentées et un foulard vert, bleu et violet. Des étagères de livres sont visibles à l’arrière-plan. Elle fixe la caméra.

Je m’appelle Brenda Sissons. J’habite à Terrace, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique.

Je vais vous lire une lettre écrite par Margaret (Mary) Conlon, mon arrière-arrière-grand-mère. Elle a pris la mer avec son mari et leurs trois enfants à bord du bateau Achilles – d’abord en partance du comté de Armagh, en Irlande – pour ensuite passer par Liverpool, en Angleterre, avant d’arriver au Canada.

Je pense qu’elle a écrit cette lettre aux alentours du 1 er mai 1847.

Elle lit la lettre qu’elle a dans les mains.

« Mon cher frère, je vous écris avec le cœur lourd, moi, veuve de trois jeunes enfants et qui donnera naissance à un autre orphelin, avant même que vous ne receviez cette lettre. Je ne sais pas comment vous relater mon histoire si mélancolique. Le 1er mai vers 10h, mon cher John se tenait à l’avant du bateau quand une vague l’a emporté, laissant mes enfants sans père. Tous les efforts ont été faits, mais rien qui vaille. Il est allé rejoindre Dieu.

Je serai indigente si tu ne me rencontres pas chez M. George H. White, architecte, rue Young à Toronto ; celui qui te fera parvenir cette lettre. Je ne vais pas m’installer nulle part avant d’avoir atteint Toronto et si tu me rencontres là-bas, mes enfants et moi ne seront pas un trouble pour toi. Le petit Benny tousse, mais il est en train de guérir. La maladie rôdait sur le bateau aujourd’hui, le 19 mai, et le corps d’une 19e personne fut jeté à la mer. Dieu seul sait ce que nous affronterons encore avant d’atteindre Québec, ce que nous prévoyons pour le dimanche le 1er juin. Nancy Hughes est aussi avec nous et a été malade pendant la traversée. Je ne peux pas en dire plus en ce moment. Je reste, ta belle-sœur. M. Conlan. »

Brenda Sissons lève les yeux et fixe la caméra. Elle dit :

En bas de la lettre, elle a écrit :

« Je ne sais pas où habite mon frère. Je n’ai pas son adresse. »

Brenda Sissons baisse les yeux, respire profondément et enlève des lunettes en retenant des larmes devant la caméra.

Cette lettre a été écrite par mon arrière-arrière-grand-mère, avant d’arriver à Québec. Elle est arrivée vers le 24 mai 1847, je crois, peu de temps après avoir écrit cette lettre.

Deux de ses trois enfants n’ont pas survécu après Grosse-Île, Québec, où ils ont dû arrêter.

Le garçon, Benny, est mort de la typhoïde, pensons-nous, sur le bateau. Selon les archives disponibles, il semble y avoir eu un délai de deux semaines, une fois à Grosse-Île, avant que la famille ne puisse descendre du bateau.

Durant ces deux semaines, Mary Ann Conlon, la fille aînée de sa famille, est tombée malade. La mère a été, quant à elle, admise à l’hôpital pour accoucher, mais elle est soit morte en donnant naissance – ou bien son bébé et elles sont tous les deux morts de la typhoïde peu de temps après. Une seule fillette a survécu, âgée de cinq ans, dans cette famille qui comptait 5 membres - et 6, le bébé mort après sa naissance – lors de l’embarquement en Irlande en mai ou avril 1847.

Cette petite fille, du moment où le bateau a accosté au Québec jusqu’au 21 juillet 1847, est devenue orpheline. Elle a été remise aux soins de l’Évêque de Montréal le 21 juillet, à l’âge de cinq ans. Elle était décrite comme « frêle ».

C’est le dernier document d’archives que nous avons d’elle. L’histoire de famille raconte qu’elle a été élevée par la famille Mulholland de Hamilton, qu’elle y a grandi. À l’âge de 26 ans, elle a marié Hiram DeWitt. Cette petite fille est mon arrière-grand-mère.

Hiram et elle ont eu cinq enfants : quatre filles et un garçon. L’une de ses filles est ma grand-mère : Samine Rose DeWitt. L’une de ses filles est, bien sûr, ma mère.

C’est ce que je sais au sujet de la lignée maternelle. Je trouve cette histoire si émouvante, car c’est finalement une petite fille de cinq ans – la fille de la mère qui a écrit cette lettre – qui a fondé une lignée maternelle à elle toute seule, dans ce nouveau pays. Elle n’avait pas seulement quitté son pays en si bas âge pour être élevée très loin de sa terre natale, mais elle a aussi perdu toute sa famille au complet. Elle a réussi à survivre à tout cela, elle a grandi et elle est devenue elle-même une maman – et c’est mon ancêtre, que je ne connais pas beaucoup, mais que j’ai envie de connaître davantage. Nul doute que c’est une survivante.

Prise de vue finale d’une étendue d’eau. Logo de l’Ireland Park Foundation à l’écran. Musique celtique.