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Choix de lettres de l’Agent-en-chef de l’immigration Anthony Bowden Hawke (Les Archives publiques de l'Ontario, Toronto Emigration Office Records, ou les archives de Hawke, Series Rg 11-1, Correspondance de l’Agent-en-chef de l’immigration, Ms 6910) et les réponses d’Élisabeth Bruyère.

Les Archives publiques de l'Ontario. Toronto Emigration Office Records, ou les archives de Hawke, Series Rg 11-1, Correspondance de l’Agent-en-chef de l’immigration, Ms 6910.

Les archives de Hawke, 16 octobre 1847, p. 153.

« Ils répandent la maladie et la mort partout où ils se rassemblent en nombre important, à un tel point que c’en est affolant. Leurs manières sont généralement assez malpropres et ils en attendent trop, côté salaire. Ils ne semblent pas entretenir de grandes ambitions et ne montrent pas une grande volonté de s’intégrer au nouveau mode de vie qu’ils doivent adopter. Ceux qui ont un peu d’argent le gardent à l’abri de toute dépense et préfèrent souffrir ou même quêter dans les rues, quitte à s’humilier, pour obtenir du pain de la Commission de la Santé ou des Agents de l’immigration ; plutôt que de perdre un shilling de leurs économies. Avant cela, ces comportements étaient l’exception chez les immigrants, mais ils sont maintenant la norme, cette année. Heureusement pour eux, ils ont plusieurs amis et de la parenté déjà établis dans la province et qui les aident – la calamité aurait frappé encore davantage sans cette aide de leurs familles et amis.

J’ai honneur,

Monsieur,

De votre vieil ami,

Signé par A. B. Hawke

Agent-en-chef de l’immigration au Canada-Ouest »

Les Archives publiques de l'Ontario. Toronto Emigration Office Records, ou les archives de Hawke, Series Rg 11-1, Correspondance de l’Agent-en-chef de l’immigration, Ms 6910.

Les archives de Hawke, 29 octobre 1847, p. 161.

« Bureau de l’immigration

Kingston, 29 octobre 1847

Monsieur,

J’ai l’honneur de transmettre ce message à l’attention du Gouverneur-Général, à l’effet que j’ai reçu une lettre hier … de Père (Telmon, P. P., Bytown), demandant le remboursement du montant dû aux Sœurs de la Charité pour les soins rendus aux immigrants – une lettre très longue. Il parle du rapport de la Commission de la Santé de Bytown. J’ai aussi reçu deux rapports de la part du Directeur de la Commission de Bytown et une lettre de l’Agent de l’immigration, G. R. Burke, sur le même sujet.

Voici ce qu’il en est sur l’histoire de cette requête. Dès le début de la saison – le 5 juin – le nombre de malades arrivant à Bytown s’est mis à augmenter si rapidement qu’on ne pouvait trouver aucun endroit où les loger. L’Agent de l’immigration a conclu une entente avec les Sœurs de la Charité, pour qu’elles logent le plus d’immigrants possible en échange de 15/67 par semaine – incluant le fait de les laver, les soigner, mais excluant les dépenses funéraires, le vin et les visites médicales. La Commission de la Santé reconnaît la légitimité de leur requête, mais n’est pas d’accord avec les charges demandées parce qu’elles ne contrôlaient pas les dépenses, elles-mêmes.

Le remboursement demandé par les Sœurs de la Charité est de £594.15.2.6/. Un tarif régulier a été fourni et l’Agent de l’immigration, M. Burke, qui l’a endossé et sera inclus dans mes comptes de dépenses pour les funérailles prises en charge par la Commission de la Santé cette année.

Je suis déçu de l’arrangement obtenu avec les Sœurs de la Charité parce que je crois que les malades auraient pu être soignés à moindres frais. Les Sœurs ont fourni les services demandés, tel qu’exigé dans l’entente conclue avec l’agent du gouvernement, mais elles doivent payer pour les dettes importantes encourues, sur le plan de l’approvisionnement en nourriture. Je vous demande respectueusement d’émettre une garantie de paiement en ma faveur, pour la somme de £594.15.2.6/ afin de pouvoir répondre à cette requête.

À S. E. Campbell, Esq.,

Signé par A. B. Hawke,

Secrétaire provincial

Agent-en-chef de l’immigration

Montréal »

Les Archives publiques de l'Ontario. Toronto Emigration Office Records, ou les archives de Hawke, Series Rg 11-1, Correspondance de l’Agent-en-chef de l’immigration, Ms 6910.

Les archives de Hawke, 2 novembre 1847, p. 165.

« Bureau de l’immigration

Kingston, 2 novembre 1847.

Cher monsieur,

J’ai reçu votre lettre du 29 octobre dernier, me demandant ce que vous devriez adopter comme position face à l’envoi de certains immigrants de Bytown à cette agence.

À ce que je puis comprendre présentement, il n’y a aucune chance que le Canal Rideau ne rouvre pendant la saison et ils doivent donc être envoyés dans le comté de Prescott ou encore être retournés à Lachine + plus loin en remontant le Fleuve Saint-Laurent.

La dernière option est, je le crois comme vous, la meilleure chose à faire et vous pourriez l’exécuter. Ce sera bien sûr une entreprise coûteuse ; comme d’envoyer ces gens de Grosse-Île à Québec, pour ensuite les avoir emmenés à Bytown – où ils n’auraient jamais dû être envoyés. Les accommoder à Kingston et le coût de leur transfert de retour via Lachine, pour enfin revenir jusqu’ici– et ce n’est pas le pire -, je ne sais vraiment pas quoi faire avec eux une fois arrivés à cette agence. Je vous en supplie, envoyez-en nous le moins possible. Obligez tous ceux qui peuvent travailler et obtenir leur pain quotidien, de le faire. Nous avons au-dessus de 1 000 personnes ici à secourir, incluant les malades, les veuves et les orphelins et nous recevons de nouveaux immigrants à chaque jour. Est-ce que les gens de Bytown ne devraient pas faire leur part comme nous le faisons ailleurs ? Comme vous le savez, aucun plan gouvernemental ne peut aider ces gens dans tous leurs déplacements. Le gouvernement doit arrêter de dépenser le plus vite possible, car les fonds d’immigration sont depuis longtemps épuisés.

J’ai l’honneur, ce soir, de vous écrire du bateau pour Toronto en raison de la mort de ce pauvre McElderry. C’était un homme remarquable & et je déplore sa perte.

À G. R Burke, Esq.,

Signé par A. B. Hawke,

Agent de l’immigration

Agent-en-chef de l’immigration, Canada-Ouest

Bytown

Bureau de l’immigration »

Les Archives publiques de l'Ontario. Toronto Emigration Office Records, ou les archives de Hawke, Series Rg 11-1, Correspondance de l’Agent-en-chef de l’immigration, Ms 6910.

Les archives de Hawke, 7 décembre 1847, p. 192.

« Bureau de l’immigration

Kingston, 7 décembre 1847.

Cher monsieur,

Le gouvernement considère extravagante l’entente conclue avec les Sœurs de la Charité de Bytown et je suis totalement d’accord, là-dessus. Dans les circonstances, si les dépenses continuent de croître, il faudra penser à conclure une nouvelle entente. Je recommanderai fortement à la Mère Supérieure, ou à celle qui dirige cet établissement, de consentir à réduire – de 20 à 25 % – le montant total demandé. Ces montants seraient de toute façon plus élevés que les montants offerts ailleurs en province. Merci de me revenir le plus tôt possible.

À G. R. Burke, Esq.,

Signé par A. B. Hawke

Agent-en-chef de l’immigration, Canada-Ouest

Bureau de l’immigration

Kingston, 8 … 1847. »

« Bytown, 10 décembre 1847

Monsieur,

L’Agent de l’immigration, M. Burke, m’a montré cette lettre et les notes que vous lui avez envoyées. M’autorisez-vous à faire quelques observations qui répondront en même temps aux questions que vous adressez dans ces documents ?

Il me semble que l’Administration et le Gouvernement ont agi de bien piètre manière à notre égard, à propos du remboursement. Était-il correct de nous faire attendre pour le remboursement, alors qu’il est bien connu que nous n’avons pas encore terminé d’ériger notre Établissement et que nous ne sommes pas en mesure d’éponger toutes les dépenses requises pour prendre en charge les immigrants ? Nous avons été contraintes de nous endetter pour en prendre soin. Au courant de l’été, nous comptions sur du crédit même si les prix étaient élevés, mais depuis cet automne, la personne qui nous aidait refuse désormais de nous avancer de l’argent de peur que le Gouvernement ne nous paie pas ; nous sommes forcées d’emprunter de l’argent, avec intérêt, afin de continuer notre œuvre auprès des immigrants. Il n’y a seulement que quelques mois de cela, nous aurions pu acheter, en argent comptant, nos aliments pour la moitié du prix que nous payons actuellement. Nous avons dû subir plusieurs pertes financières et la faute revient à l’Administration en charge des immigrants ; si nous avions été informées dès le commencement du traitement qu’elle nous réservait, nous n’aurions pas accepté les conditions.

Par ailleurs, on nous a demandé si nous pouvions réduire le montant réclamé pour chaque malade. Monsieur, le rapport de la Commission de la Santé ne vous a pas rapporté les vraies choses parce qu’il s’agit d’un rapport contenant plusieurs faussetés et mensonges ; par exemple, à l’effet que nous chargions 15/0 par semaine pour les enfants et pour les adultes. C’est faux. Nous n’avons jamais rien eu à voir avec les enfants, à l’exception de leur trouver des infirmières, ce qui n’a pas toujours été facile pour nous ; au contraire, cela a causé bien des tourments. C’est M. Burke lui-même qui a payé pour les infirmières et nous n’avons jamais vu cet argent. Ceux qui nous ont été confiés étaient malades et nous ont causé beaucoup plus de trouble du fait qu’ils étaient jeunes ; de ce fait, il fallait dépenser davantage que pour les adultes pour en prendre soin.

Est-il correct de nous demander de réduire les tarifs à la fin d’une telle saison ? Nous avons presque toutes été malades et avons beaucoup souffert ; nous avons donné tout ce que nous pouvions donner ; vous avez pris le crédit pour nos services ; enfin, c’est lorsque vous n’avez plus besoin de nos services que vous nous demandez de réduire nos tarifs ! Dites-moi sincèrement, monsieur, pensez-vous que cela est correct ? Vous connaissiez les tarifs au début de la saison printanière : pourquoi n’avoir pas fait vos remarques à ce moment-là ? Nous aurions pu possiblement répondre positivement à votre demande, car vous savez, monsieur, que notre Établissement n’est pas basé sur la spéculation. Le délai à nous rembourser fait en sorte qu’il est impossible pour nous de réduire les tarifs à ce moment-ci. L’été prochain, l’Administration pourra nous proposer ses conditions et nous pourrons proposer les nôtres. Nous accepterons alors cette lourde charge de nous occuper des immigrants si nous avons l’assurance de recevoir l’appui nécessaire pour subvenir aux besoins. Si l’Administration ne veut pas de nos services, elle ira chercher des infirmières ailleurs, si elle le peut, qui pourraient être meilleures et plus charitables que nous (si c’est ce qu’elle pense) pour prendre soin des immigrants à moindre coût.

Je demeure, Monsieur, votre humble servante,

Sœur É. Bruyère, Supérieure, General Hospital. »

« Monsieur,

Je viens de recevoir une lettre de M. Burke et une lettre de vous, datée du 7 décembre dernier.

Permettez-moi de vous dire que c’est scandaleux de se faire traiter comme ça. Je ne suis pas surprise que le gouvernement trouve que l’entente conclue avec nous est extravagante, pour nous faire attendre si longtemps pour le remboursement de nos dettes. Je me demande s’il ne va pas aller plus loin en refusant même de nous payer. Plusieurs personnes, ici, pensent qu’il ne va pas nous rembourser et on nous a conseillées de contacter des avocats afin d’obtenir, par voie légale, le remboursement de nos dettes par le Gouvernement. Le fait de demander des tarifs différents, selon les régions, ne signifie pas que nous en demandions trop. Vous devriez savoir que Bytown revêt une place plus grande pour nous que Kingston, Montréal ou Québec. Nous connaissons aussi les tarifs demandés ailleurs ; les tarifs demandés dans ces lieux où les immigrants sont arrivés sans le nécessaire pour la survie ne sont pas, contrairement à ce que vous le dites, beaucoup moins élevés que les nôtres.

Monsieur, je vais le redire, si vous aviez demandé une réduction de nos tarifs dès le début du printemps, nous aurions probablement pu y consentir ; mais après autant de grandes dépenses et après des pertes financières causées par le délai à nous faire rembourser, nous ne pouvons pas y consentir actuellement. En ce qui concerne les futures ententes à conclure, nous les examinerons lorsque nous nos dettes auront été payées par le Gouvernement. Le montant total à payer était de £834-16-3/2. Nous avons reçu 70-0-0. Le solde dû est de £764-16-372.

Votre humble servante, Sœur É. Bruyère, Supérieure, General Hospital. »

« Un Irlandais s’adresse aux Irlandais de Bytown et de la vallée de l’Outaouais », The Packet, 18 décembre 1847

Vous avez vu cette année le triste spectacle des milliers de vos compatriotes débarquant auprès de vous et souffrant des pires calamités. Ces calamités ont surpassé toute l’aide possible que vous pouviez offrir, mais les sachant souffrir autant, vous avez sympathisé avec eux. L’immigration de cette année a dérouté le Gouvernement, qui était mal préparé – aucune mesure n’avait été préalablement adoptée pour sécuriser la province des dangers qui ont accompagné la migration – aucune action n’a été prise par le gouvernement canadien pour endiguer les horreurs de la pestilence, qui a mené les réfugiés à nos côtes. Les berges de nos rivières sont devenues des tombeaux pour nombre de nos compatriotes et le dernier souffle des exilés s’est associé au son de la harpe et de la liberté, au cœur des forêts canadiennes. C’est vrai qu’un esprit désintéressé s’est manifesté au Canada et les appels de nos chers compatriotes, mourants et indigents, ont été entendus dans nos villes lorsqu’ils voulaient travailler ou se loger. Les villes de Montréal, Kingston et Toronto ont leurs hôpitaux publics, où les malades sont pris en charge par les médecins – le Gouvernement a aussi donné de l’aide afin de pourvoir aux besoins des plus pauvres et des nécessiteux. De la nourriture a été fournie en abondance. Dans ces villes, le Gouvernement a nommé des agents dédiés à offrir l’aide d’urgence nécessaire. On a aussi formé une agence de l’immigration à Bytown, mais on ne comptait sur aucun hôpital public. Le premier bateau qui est arrivé ici était chargé de pauvres immigrants malades – tous les autres bateaux qui arrivèrent ensuite ont laissé leur quota de gens malades, à tel point que la ville elle-même est devenue un lazaret. Aucun hôpital public ne pouvait les recevoir. Les habitants ne voulaient pas loger des personnes susceptibles d’amener avec elles la pestilence.

Qu’y avait-il à faire ? Devaient-ils mourir sur les quais et y pourrir ? Ou encore succomber dans les rues ? Être jetés par les membres d’équipage sur les quais visités entre Kingston et Bytown ? Impossible de se le permettre sur le plan de la santé et de la sécurité du public – aucun humain, de par ses sentiments, ne pouvait y souscrire. L’Agent de l’immigration, M. Burke, n’a vu qu’une seule chose à faire – envoyer les malades dans un hôpital érigé par la Mère Supérieure d’une congrégation catholique, à Bytown. C’était son devoir d’empêcher que les malades restent sur les quais, dans la rue et dans les champs – un affreux spectacle – répandant la maladie et la contagion en ville. S’il en avait fait autrement, il aurait eu tort. C’était son devoir et de son pouvoir de trouver toute l’aide nécessaire pour soigner ces victimes innocentes. De jour et de nuit, il s’est mis à la tâche et Bytown a vu qu’il a relevé ce défi. Est-ce que son salaire dérisoire (un salaire de conducteur de radeau) l’a empêché de voir aux soins des gens, quand la maladie – et probablement la mort – rôdaient ? Jamais !

Même les chauffeurs de Bytown, qui transportent des gens quotidiennement au cimetière ou à l’hôpital, avaient ce petit salaire en tête en accomplissant leur tâche. À l’hôpital, les malades ont été emmenés. Et à l’hôpital, les malades ont été soignés par les Sœurs de la Charité.

Les Sœurs de la Charité! – des dames qui honorent l’humanité – se rangent, par leur sacrifice désintéressé, parmi les grands de la race humaine en personnifiant en elles-mêmes ce que devraient être les servantes du Ciel. Ces dames ont été les servantes des pauvres immigrants et ont attaché de l’importance à toutes les petites tâches. Durant ce long été et cette incessante épreuve, elles ont œuvré héroïquement pour calmer l’angoisse de nos compatriotes malades – respirant l’air de la pestilence en combattant sans peur la grande faucheuse, de façon à sauver les souffrants de ses serres. Pendant les longues heures de la nuit, elles ont couché à côté des mourants – entendant les gémissants humains – et n’ayant pour seul témoin que le Ciel.

Irlandais de Bytown ! Vous savez que ceci est la vérité – vous savez que ce sont ceux-là qui ont pris en charge vos compatriotes durant ces sombres heures – vous savez très bien que toute la richesse du monde ne ferait pas cela nulle part ailleurs, ou ne forcerait quiconque à entreprendre une telle tâche et à se fatiguer, ou même à risquer le prix de sa vie. Ce n’est pas un salaire qui motivait ces femmes, mais quelque chose de bien plus grand ; elles méritent cet honneur – de la part de tous ceux et celles qui ont de la sympathie lorsqu’il y a souffrance humaine – et leur dévouement doit continuer. De lourdes dépenses affectent cet hôpital et nous avons ouï dire que le Gouverneur-Général reproche à l’agent de l’immigration d’avoir pris en charge les malheureux immigrants irlandais, malades, et refuse de payer l’hôpital qui demande remboursement à l’agent de l’immigration ! Est-ce que notre Gouvernement agit de façon irraisonnable – et contraire à toute idée de justice ? »